J’observe souvent beaucoup de personnes timides et anxieuses qui espèrent d’abord la guérison de leur timidité, l’amélioration de leur situation, avant de se risquer à de grandes actions, alors qu’en y réfléchissant, l’audace de quelques secondes d’action peut parfois payer à long terme et précipiter le cheminement de la guérison.
Force est de constater que nous ne sommes pas tous égaux face à la timidité. L’attente peut être rapide pour les timides les moins atteints, longue pour les plus anxieux, voire jamais pour d’autres.
Devant la longueur de l’attente, s’étalant parfois sur plusieurs années pour les plus timides, je crois intimement qu’il vaut mieux opter pour la stratégie de l’effet papillon pour créer des miracles. L’attente ne fait que renforcer l’aigreur et le désespoir du timide, alors qu’une réussite personnelle aussi insignifiante soit-elle provoque immédiatement une flambée de joie qui illumine tout son être intérieur.
Je vais vous raconter quelques anecdotes réelles qui, comme vous le comprendrez, m’ont amené à cette conclusion.
Il y a un peu plus d’un an, j’avais rencontré Anthony, un homme timide de 22 ans qui venait du forum doctissimo timidité. Il était phobique social. Lors d’une première sortie commune avec d’autres membres timides, les gens faisaient à peine attention à lui. Pour cause, il ne parlait presque jamais. Au maximum, il s’exprimait en jets de phrases courtes et d’interrogations, du genre : « Je suis étudiant. », « Tu fais quoi dans la vie ? », « Et toi ? », « Oui. », etc… Ses phrases dépassaient rarement une dizaine de mots. Ce jour-là, je m’étais dit intérieurement : « Il est vraiment trop timide, Anthony. Il ne va jamais s’en sortir s’il ne parle jamais. » Dans les sorties organisées entre membres des forums de timidité, il était en effet à chaque fois la personne la plus timide et coincée du groupe.
Anthony suivait en ligne sur le forum de phobiesociale.org ma « TCC Drague », mon fameux projet thérapeutique pour vaincre la phobie sociale et qui avait fait le buzz sur le forum à l’époque. Suite à l’une de mes annonces passées sur le forum pour chercher un compagnon de bataille, il m’envoya un mail et il voulut m’accompagner sur le terrain, dans les rues parisiennes, pour faire plusieurs exercices de TCC, de sociabilisation, de désensibilisation face aux angoisses.
Un jour, lors d’un restaurant rapide, je lui tendis un origami de cygne que j’avais fabriqué et je lui proposai de le remettre à une fille assise à un coin de table avec son numéro de téléphone marqué sur le papier. Anthony après une longue hésitation l’avait fait à ma surprise. Il se leva de son siège et alla poser l’origami sur la table de la fille, prononçant timidement ces paroles : « Bonjour, c’est pour toi. » Puis il lui dit au revoir au bout de quelques secondes… Devinez : que s’était-il passé ensuite ? Le soir, la fille lui avait envoyé un texto pour lui proposer de boire un café. L’incroyable s’était produit. Malheureusement, ce sont les aléas de la vie : cet événement n’avait pas donné suite. Le plus important, ce n’est pas que Anthony n’ait pu la rencontrer, mais quelque chose s’est produit dans sa tête : un déclic.
Une autre fois, quand je revoyais Anthony lors d’une sortie, il me raconta son dernier exploit. Ce jour-là, il m’avait « bluffé ». Je n’en revenais pas. En effet, lors d’un déjeuner dans un restaurant pendant sa pause-boulot, alors qu’il mangeait seul, Anthony avait repéré une jeune serveuse. À un moment, il engagea la conversation pour savoir si elle était aussi étudiante dans la vie. La scène dura quelques minutes et il laissa avant de partir son numéro à la fille. Celle-ci le rappela par la suite. Et depuis… ils sortent ensemble ! Anthony vivait ainsi sa première expérience amoureuse à 22 ans.
Morale de l’histoire : Anthony, qui était de loin plus timide que la majorité des timides de doctissimo.fr ou de phobiesociale.org, à deux reprises et en l’instant de quelques secondes ou minutes, a créé un exploit lequel a eu des répercussions considérables sur sa vie. L’audace paie toujours. Voilà un exemple type de situation où l’effet papillon a eu lieu avec ses réactions en chaîne : quelques secondes suffisent parfois pour changer notre vie. Voilà l’état d’esprit que j’ai adopté pour ma part dans l’affrontement de mes peurs : dans chaque opportunité, je me dis toujours que l’effet papillon n’est jamais loin. Plutôt que d’attendre des mois et des années, d’espérer inlassablement, je sais consciemment que quelques secondes de prise de risque peuvent parfois tout bouleverser dans mon quotidien de telle sorte qu’il serait dommage de passer à côté d’une telle expérience.
J’aime beaucoup ce 1er article que je viens de lire !
ça va dans le même sens que ce que je pense (à savoir que tout effort même minime n’est jamais perdu, et peut parfois payer de façon totalement inattendu)
Et aussi je ne savais pas que tu avais déjà mené des « actions » pour les timides sociales (si j’ai bien compris)
Coucou marie,
Tiens, c’est le tout premier commentaire sur ce blog. ;-)
Évidemment, le thème de la timidité sociale m’est un thème cher. Avec quelques personnes de ces forums, on se motivait entre nous pour des expositions, des actions sur le terrain et des projets, tels que le théâtre entre personnes timides.
Cette métaphore me parle beaucoup. Je crois qu’elle s’exprime surtout à travers les rapports personnels. Initier un contact demande souvent de prendre sur soi pour un timide mais c’est le seul chemin pour faire des rencontres. On a besoin des autres pour s’épanouir dans la vie, de trouver les bonnes personnes pour faire du chemin et partager du vécu.
Je suis toujours sidéré de réaliser que pratiquement tous les gens que je connais l’ont été à la suite d’un premier contact qui aurait pu ne jamais voir le jour. Il a suffi de se lancer pour ouvrir une dynamique sociale.
C’est évidemment encore plus vrai pour un homme dans le jeu amoureux : au début, c’est à lui de faire le jeu pour parler dans un langage de foot mais ensuite les femmes prennent souvent le relais.
Il faut se lancer…c’est con, c’est trivial, c’est du rabâché, ça fait partie de ces petites phrases que l’on prend pour acquis mais dont on ne prend jamais vraiment la mesure..mais ça change la vie!
Bonjour bonjour !
Merci. Votre article est intéressant, plus que la plupart des bêtises qu’on peut trouver sur le net.
Je suis une sorte de Anthony dans le genre… Cependant, au risque de faire le rabat-joie, on peut forcer un miracle dans certaines conditions et moins dans d’autres. Et je voudrais souligner le fait que dans le cadre de ce genre de tentatives, c’est à double tranchant, en cas d’échec ou d’échecs répétés, on devient pire.
Ok, y a jamais de garanties, ok qui ne tente rien n’a rien. Mais le contraire de rien c’est « qque chose » pas « qque chose de bénéfique », le résultat peut très vite être catastrophique si les aléas ont été défavorables au mauvais moment.
En bon timide, il faut être conscient de ce risque et l’évaluer, non? Car en général on n’est pas timide pour rien, c’est svt l’expérience qui incite vivement à le devenir. Quand on joue a quitte ou double comme ça, c’est pas tjs bon de dire double.